Les trois chênes remarquables – Rigney (25)

« Nul ne sait vraiment ce qu’ils ont vu… mais ils savent tout. »

Il était une fois, nichés dans les profondeurs verdoyantes du Doubs, trois géants végétaux qui semblaient veiller depuis des siècles sur le petit village de Rigney. Leurs silhouettes noueuses, dressées fièrement entre ciel et terre, racontent à qui sait écouter une histoire mêlée de légendes, de rites oubliés et de mémoire collective.

Les anciens du pays murmurent que ces trois chênes centenaires, à la prestance imposante, n’auraient rien à envier aux plus grands monuments du patrimoine français. Avec leurs troncs charnus, dont la circonférence varie de quatre à six mètres, et leur hauteur dépassant les 20 mètres, ils dominent aujourd’hui un espace boisé, paisible et ouvert.

Mais tout n’a pas toujours été aussi tranquille…

Remontons le fil du temps jusqu’à un temps lointain, lorsque la place qu’ils occupent aujourd’hui n’était qu’un champ de foire animé et poussiéreux. Nous étions sous le règne de Louis XIV, et les habitants de Rigney décidèrent alors de planter plusieurs jeunes chênes pour offrir de l’ombre aux marchands, aux paysans et aux bêtes qui animaient les lieux.

Ces arbres, isolés et baignant dans la lumière, se sont développés librement. Mais leur croissance fut marquée par les aléas du quotidien : les sabots, les roues, les mains calleuses des fermiers venus élaguer pour gagner un peu de lumière, ont contribué à leur donner cette forme tourmentée, presque sculpturale.

Les siècles ont passé. La foire a perdu son éclat. Puis une route est venue trancher le terrain en deux, reléguant une partie à la forêt. Ce morcellement du paysage a précipité une reconquête végétale. En un demi-siècle, la partie abandonnée s’est couverte d’arbres, transformant l’ancien champ en un îlot forestier.

Les Trois Chênes ont alors troqué le vacarme des foires contre le silence feutré des sous-bois. Là où résonnaient cris de marchands et rires d’enfants, ne subsiste désormais que le chant discret du vent dans les feuillages.

On aime à penser que ces arbres furent les gardiens de mille histoires. Il est dit que dans leur ombre, un seigneur jadis vola un baiser interdit à sa belle. Certains affirment qu’on y pratiquait d’anciennes cérémonies druidiques, peut-être même de mystérieux sabbats, au cœur de la nuit.

D’autres encore évoquent des promesses d’amour gravées dans leur écorce, des serments d’éternité devenus muets au fil du temps. On parle aussi de violences : des lames croisées, des hommes tombés, des cris étouffés dans la poussière.

Et puis, il y a cette rumeur, douce et troublante : quiconque dort sous un de ces chênes pourrait recevoir en rêve la Connaissance absolue. Mais attention ! Ce savoir n’est pas offert à tous… L’âme du dormeur, dit-on, doit être pure et son cœur sans peur. Certains se sont éveillés plus sages… d’autres, complètement fous.

Longtemps ignorés, malmenés, considérés comme simples obstacles ou bois de chauffage en puissance, ces trois chênes ont fini par gagner la reconnaissance qu’ils méritaient. Ils ne sont plus vus comme des reliques gênantes, mais comme les gardiens d’un patrimoine vivant et précieux.

En automne 2004, une mise en valeur paysagère du site a été réalisée. Désormais, une signalétique depuis la RD 486 guide les visiteurs vers ce lieu remarquable. À l’entrée du chemin forestier, un panneau explicatif retrace l’histoire de ces arbres hors du commun. Le sentier, doux et agréable, conduit à un parking forestier, une aire de pique-nique conviviale, puis finalement… à ces trois êtres de bois qui ont vu défiler trois siècles.

Aujourd’hui, l’endroit respire la sérénité et l’hospitalité. Sous leur ramure, les discussions reprennent, les enfants jouent, les promeneurs s’arrêtent. Les Trois Chênes ne sont plus simplement des arbres. Ils sont devenus des piliers d’une mémoire rurale, un trait d’union entre le passé et le présent.

Leur présence offre un rare témoignage : celui d’un monde où la nature et les hommes vivaient côte à côte, avec rudesse parfois, mais aussi avec tendresse. Ces arbres, désormais classés parmi les « arbres remarquables », continuent de veiller sur Rigney, comme ils l’ont toujours fait.

MAJ : L’un des 3 chênes est tombé en 2021.

Les chênes se trouvent facilement juste avant d’arriver sur la commune de Rigney par la D486, dans le grand virage en arrivant depuis Corcelle-Mieslot, observez à droite.

  • La chapelle Sainte-Geneviève à Rigney
  • Le fort de la Dame Blanche à Bonnay
  • La mairie-lavoir de Marchaux

One thought on “Les trois chênes remarquables – Rigney (25)

  1. C’est un beau témoignage du passé qu’il faut protéger. Malheureusement, il me semble que se n’est pas la priorité de la municipalité.

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