De passage dans l’Aisne, on ne pouvait pas passer dans le secteur sans rendre visite au château de Nesles à Seringes-et-Nesles, près de Fère-en-Tardenois. Cela fais quelques temps que l’on nous parle de ce château et de sa sombre histoire, il est temps à présent de l’évoquer sur Lunetoile.com
Après une brève visite au château voisin de Fère-en-Tardenois, nous nous rendons à celui de Nesles. Un terrain en herbe est transformé pour l’occasion en parking pour voitures. Ce jour là, nous sommes seuls. Personne à l’accueil. Nous sommes inquiets d’être venu pour rien. Mais la persistance de ma photographe adorée a fini par payer. On nous ouvre finalement les portes, et nous avons le château pour nous tout seul pour une bonne partie de l’après midi.
Témoignages :
Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer par parler des témoignages fantomatique de quelques visiteurs préférant restés anonymes, puis nous évoquerons l’histoire de cette magnifique forteresse.
Il y a en France, une bonne dizaine de châteaux où l’on prétend voir des dames blanches. Des faits qui sont avérés et confirmés par les propriétaires terriens ou par les héritiers ; et puis, nous avons des cas qui sont un peu moins officiels et dont les témoignages donnent des frissons. Dans l’Aisne, on prétend depuis longtemps voir la dame blanche errer dans les forêts, son rôle est dit-on « d’accompagner les morts vers l’au delà ».
Au château de Nesles, c’est une histoire tragique qui fait ressurgir la dame blanche. Il s’agirait de Blanche de Nesles, dont la vie au château a été dramatique. On pense depuis que son âme hante Nesles et les alentours. Les témoins voient généralement une brume formant une masse et entendent le vent souffler avec l’impression de l’entendre crier. Autre témoignage plus contemporain, une famille visite le château. L’épouse décide de monter au donjon avec les enfants. Arrivées au dernier étage, tous perçoivent une forme blanche, « ça n’a duré qu’une fraction de seconde », puis s’est transformé en une nuée de pigeons prenant la fuite par l’ouverture de la fenêtre.
L’histoire du château de Nesles :
Le château a été bâti dans le fond d’une petite vallée et sur le bord d’un ruisseau, au milieu d’un terrain marécageux. Une imposante enceinte, encore entourée d’eau, forme un carré de 70 mètres de côté, flanqué de 8 tours cylindriques et d’un puissant donjon isolé.
Un très vieux document écrit en latin explique qu’en 1226, Robert III de Dreux dit « Gasteblé » reçoit l’autorisation de la part de Thibaud de Champagne de construire sur les terres de Nesles une maison forte. Robert III fait construire le château dans un style architectural Philippien (Philippe August), ce qui le fait ressembler au château de Rouen et au château de Dourdan. Autour de 1280, le château appartient à Gaucher de Châtillon (Connétable de France de Phillipe le Bel) grâce à son mariage avec Isabelle de Dreux. En 1370, leurs héritiers le cèdent à Jehan II de La Personne, né en 1330 près de Soissons, il était le compagnon de Bertrand Du Guesclin dans ses faits d’armes pendant la guerre de Cent ans, il est par la suite nommé gouverneur de la prison de la Bastille, venant d’être construite.
Le château de Nesles fait face à la guerre de Cent Ans et résiste difficilement à l’invasion anglo-bourguignonne. Il est assiégé durant trois années (1421 – 1424) tandis que le château voisin de Fère tiens bon. Un traité signé avec le compte de Salisbury met fin au siège, avec la condition d’une énorme rançon versée par la famille La Personne.
Meurtre au château :
Tout commence en 1429 avec Guillaume de Flavy. Il a été nommé par les habitants de Compiègne Capitaine-gouverneur du château de Compiègne et de la ville. Un an plus tard, la ville est attaquée par les troupes Anglo-bourguignonnes. Jeanne d’Arc et ses hommes rejoignent la bataille afin de repousser les Anglais. Mais le 23 mai 1430, elle est capturée lors d’une sortie imprudente. Guillaume de Flavy, impuissant, assiste à la capture. On parle de trahison de sa part en expliquant qu’il aurait fermé les portes de la ville un peu trop tôt, empêchant toute retraite.
Guillaume de Flavy était disait-on, impitoyable. Il exerçait de nombreux sévices, allant du mauvais traitement à des actes de tortures. En juillet 1436, âgé de 40 ans, il épouse une riche héritière âgée de seulement 9 ans : Blanche d’Aurebruche (Overbreuc), *psssst : la fameuse dame blanche*, Vicomtesse d’Acy, fille de Robert et d’Anne de Francière.
Guillaume de Flavy s’empare de la fortune de ces beaux-parents, la belle-mère meurt brutalement et il enferme et enchaîne le père de Blanche dans un château jusqu’à ce qu’il finisse par mourir. Il réserve ce sort à tant d’autres personnes. Durant dix années, il maltraite son épouse, tantôt brutal, tantôt infidèle. Blanche se trouve elle aussi, un amant, il s’appel Pierre de Louvain. Elle lui demande d’assassiner son mari pensant qu’ils allaient pouvoir vivre pleinement de leur amour. Après quelques tentatives ratées, le meurtre a lieu le 9 mars 1449 au château de Nesles, sous les yeux de Blanche. Avec l’aide de complices, il aurait été assommé et égorgé, tandis que Blanche tentait de l’étouffer avec un oreiller. Après quelques temps en prison, Charles VII les fait libérer.
Depuis sa mort, les frères de Guillaume de Flavy ont soifs de vengeances. L’un d’entre eux, Raoul, met quinze année mais fini par retrouver Pierre de Louvain et l’assassine sauvagement en 1464.
Cette même année (1464), Blanche a 38 ans, elle se marie une troisième fois, avec Pierre Puy, conseiller au parlement de Paris sous Louis XI. Il tente de manipuler l’un des enfants de l’union entre Blanche et Pierre Louvain, en lui conseillant d’assassiner ses frères. Le couple finit par vite se séparer. Dénoncer pour traitrise à Louis XI, Pierre Puy est emprisonné durant 7 années.
A partir de cette période de l’histoire de Blanche, on ne sait plus ce qu’elle devient, et on ne connait pas la date ni les circonstances de sa mort.
Le château passe ensuite dans diverses mains. Anne de Montmorency le rachète en 1529, puis le maréchal de Clérembault en 1656. Ces héritiers y demeurent jusqu’en 1806.
A partir de cette dernière date, les bâtiments servent d’entrepôt pour l’agriculture. Lors de la première Guerre Mondiale (1914-1918), la forteresse de Nesles est occupée par les Allemands. S’engage alors un combat d’une forte intensité mené par les Américains de la 42e division US rainbow, commandée par le colonel Douglas MacArthur. Non loin du château, on peut voir le cimetière Américain témoignant du conflit.
Le château de Nesles a été classé aux Monuments Historiques le 29 mai 1922. Le château est ouvert à la visite, elle se fait librement avec un petit dépliant La visite guidée est possible sur demande à l’avance. Il est également possible de louer l’une des salles pour réceptions et mariages (200 places assises & 400 en cocktail).
Bonne visite !!!
Quelques photos :
Pour s’y rendre :
Adresse : Le Château de Nesles, 02130 Seringes-et-Nesles
Depuis Fère-en-Tardenois, prendre la Départementale 2 en direction de Seringes, continuer tout droit, passer devant le cimetière américain. 600 mètres après la cimetière américain, tourner à gauche sur la petite route menant au château.
A proximité :
- Ruines du château de Fère à Fère-en-Tardenois
- Parc des bruyères à Fère-en-Tardenois
- Abbaye du Val Chrétien à Bruyères-sur-Fère
- Monument « les Fantômes »
- La Hotté du Diable à Bruyères-sur-Fère
Sur la carte :
Bonjour,je suis le propriétaire du château de Nesles et tombe par hasard sur votre étonnant reportage. Tout cela est très documenté, avec des informations qui dépassent celles que je fournis dans la notice historique, et les photos sont très biens, donc bravo !Il y a juste l’histoire du fantôme de la dame blanche qui est un peu douteuse, et s’il y avait un fantôme ce devrait plutôt être celui de Guillaume de Flavy ! Le château n’est pas hanté (plusieurs personnes versées dans ce genre de chose me l’ont confirmé), même s’il est vrai que je ne traverse jamais la cour de nuit sans avoir quelques appréhensions…
Bonjour et merci pour votre aimable commentaire. Nous avons adoré visiter votre château de Nesles et espérons susciter l’envie chez nos visiteurs de le découvrir et de l’apprécier autant que nous.
J’ai visitée bien des châteaux, mais celui-ci a une âme particulière