Les tranchées de la soif à Han-sur-Meuse, un petit village de la Meuse en Lorraine, sont un lieu profondément marqué par l’histoire de la Première Guerre mondiale. Ce site, aujourd’hui paisible, a été le théâtre d’un épisode tragique qui a laissé une empreinte durable sur la mémoire collective.
Pendant la Première Guerre mondiale, Han-sur-Meuse se trouvait en plein cœur des combats sur le front de l’Ouest. Les tranchées, creusées par les soldats pour se protéger des tirs ennemis, étaient un élément central de la guerre de position qui s’est installée à partir de 1914. Les conditions de vie dans ces tranchées étaient extrêmement difficiles : boue, froid, promiscuité, mais surtout, la soif était omniprésente.
Le Bois d’Ailly, situé près de Saint-Mihiel, est le témoin d’une des batailles les plus âpres de la Première Guerre mondiale. Entre avril et mai 1915, cette forêt tranquille s’est transformée en un véritable enfer pour les soldats français, en particulier ceux de la 7e Compagnie du 172e Régiment d’Infanterie (RI) dirigés par le Commandant d’André. Cet épisode tragique est devenu tristement célèbre sous le nom de la Tranchée de la Soif, un lieu où la souffrance humaine a atteint des sommets incommensurables.
Dès septembre 1914, après la formation du Saillant de Saint-Mihiel, les forces françaises lancent des offensives pour reprendre le contrôle des environs, notamment dans le Bois d’Ailly. Les combats qui s’y déroulent sont d’une violence inouïe, marqués par des échanges constants d’obus, et de grenades Pendant plusieurs mois, les soldats des deux camps se disputent chaque mètre de terrain, souvent au prix de lourdes pertes.
En avril 1915, les hommes du 172e RI parviennent à reconquérir plusieurs lignes de tranchées, mais cette avancée se fait au prix d’énormes sacrifices. Le 18 mai, après avoir réussi à reprendre cinq lignes de tranchées allemandes, le Commandant d’André et ses hommes se retrouvent piégés dans la quatrième ligne, isolés du reste des troupes françaises.
Encerclés par les forces allemandes, les soldats français subissent trois jours d’enfer. Privés de ravitaillement, sans eau ni vivres, ils doivent tenir leurs positions sous une chaleur accablante. Les bombardements incessants, combinés à l’absence totale de ressources, transforment cette tranchée en un véritable tombeau pour nombre d’entre eux.
L’histoire raconte que, face à cette situation désespérée, le Commandant d’André aurait crié à ses hommes, juste avant leur reddition le 22 mai 1915 : « N’oubliez pas la Tranchée de la Soif ». Ces mots, empreints de désespoir et de détermination, résonnent encore aujourd’hui comme un rappel poignant des horreurs de la guerre.
Aujourd’hui, la Tranchée de la Soif est un lieu de mémoire important. Le chemin forestier qui relie le Bois d’Ailly à Marbotte est parsemé de monuments régimentaires et de vestiges de tranchées, rappelant la violence des combats qui ont eu lieu ici. En 1923, un monument a été érigé en mémoire des combattants tombés dans ce secteur. Cet obélisque porte les noms des unités qui se sont battues et les lieux des affrontements les plus intenses.
Un second monument, inauguré en 1938, est dédié spécifiquement aux combattants de la Tranchée de la Soif. Au pied de cet obélisque se trouve un ossuaire, qui utilise d’anciennes sapes pour abriter les corps de nombreux soldats français et allemands non identifiés, provenant de 32 régiments différents. Ce site, au sol imbibé de sang, détient le triste record du plus grand nombre de morts au mètre carré dans tout le Saillant de Saint-Mihiel.
Quelques photos :
Pour s’y rendre :
Depuis Han-sur-Meuse, suivre la direction d’Ailly-sur-Meuse. Monter en direction du cimetière, continuer de monter jusqu’au croisement, tourner à droite sur la D171C. Continuer jusqu’au parking.
A proximité :
- Fort du Camp des Romains à Saint-Mihiel
- Ancien fort de Liouville à Apremont-la-Forêt
- Pierre de la Damchonne à Valbois
Sur la carte :
Merci pour ce bel article qui me permet de mieux comprendre cette partie de notre histoire