

Perché au pied du Jura, le petit village de La Praz semble taillé pour abriter secrets et curiosités archéologiques. Son nom lui-même évoque un vaste espace dégagé, une prairie ensoleillée bordée de forêts profondes. Ce cadre naturel a pourtant servi de décor à bien plus qu’une vie rurale ordinaire : ici, le passé affleure littéralement sous les pieds des promeneurs.
La Praz conserve en effet plusieurs traces d’occupations anciennes. Les ruines de La Chapelle, par exemple, laissent imaginer une présence humaine structurée, où l’on aurait découvert aussi bien des sépultures taillées dans la pierre que des fragments d’armes oubliées. À quelques pas du cœur du village, un étrange cercle de mégalithes — un cromlech — pose également question aux archéologues. Ce monument, unique en son genre dans toute la Suisse romande, se compose de blocs massifs.
Si le village de La Praz fascine par son cromlech et ses vestiges funéraires, une autre pierre, plus discrète mais non moins intrigante, se dresse à la croisée de trois communes : La Praz, Mont-la-Ville et Cuarnens. Ce gigantesque rocher, connu sous le nom de « Pierre Pouilleuse », semble d’abord n’être qu’un simple bloc erratique abandonné là par les glaciers.
Les blocs erratiques sont ces masses rocheuses arrachées aux sommets alpins ou jurassiens, transportées sur de longues distances par les glaciers au cours des dernières périodes glaciaires, puis abandonnées lorsque la glace se retire. Leur présence étonne toujours, car ces pierres ne correspondent ni au sous-sol local, ni aux matériaux environnants.




Mais la Pierre Pouilleuse n’est pas qu’un vestige géologique : elle porte les marques d’une intervention humaine, dont la finalité se perd dans l’obscurité des siècles. Des entailles ont été taillées dans la roche, formant de rudimentaires marches permettant de grimper sur son sommet. Cette accessibilité soignée ne doit rien au hasard : elle traduit une volonté de faire de ce rocher un lieu fréquenté, voire cérémoniel.
Son surnom, la Pierre Pouilleuse, intrigue autant qu’il amuse. Ce qualificatif de « pouilleuse » pourrait suggérer une roche couverte de mousse ou de lichens, donnant l’impression d’une pierre sale, peu engageante. Pourtant, l’interprétation la plus séduisante relie ce nom aux pratiques sociales qui s’y déroulaient jadis.
La Pierre Pouilleuse serait, selon certaines traditions orales, une « pierre à papouilles ». Ce terme populaire évoque ces lieux discrets, en lisière des villages, où la jeunesse venait échanger caresses et premiers baisers, à l’abri des regards trop curieux. Située précisément à la limite des trois communes, la Pierre Pouilleuse représentait une sorte de territoire neutre, ni tout à fait à La Praz, ni tout à fait à Mont-la-Ville ou Cuarnens. Ce flou géographique offrait aux jeunes un espace de liberté, loin des commérages du village.Mais au-delà de cette dimension sentimentale, la position stratégique de la Pierre Pouilleuse interroge aussi les archéologues. En marquant la séparation entre trois communautés rurales, elle jouait peut-être un rôle symbolique bien plus ancien. On sait que, dans de nombreuses sociétés protohistoriques, les lieux-frontières étaient investis de fonctions rituelles ou diplomatiques : on y scellait des alliances, on y célébrait des cérémonies saisonnières, ou bien encore on y réglait d’éventuels conflits entre villages voisins.
La présence de marches taillées suggère d’ailleurs un usage régulier, destiné à permettre à des individus ou à de petits groupes de se hisser sur la pierre pour accomplir un geste symbolique : observation de la lune ou du soleil lors d’événements astronomiques, proclamation publique ou encore sacrifice votif.
Le terme « pouilleuse », dans la langue populaire, renvoie classiquement à la saleté, à la vermine ou à la pauvreté. En ce sens, la Pierre Pouilleuse pourrait aussi avoir été considérée comme un lieu marginal, voire maléfique, où l’on n’osait s’aventurer qu’avec prudence. Peut-être les anciens villageois la jugeaient-ils souillée par des pratiques magiques ou interdites, associées aux rites amoureux nocturnes. Il n’est pas impossible non plus que cette réputation de saleté soit née précisément pour dissuader les jeunes d’y organiser leurs rendez-vous secrets.
Bonne découverte !
Quelques photos :



















Pour s’y rendre :
Depuis La Praz, prendre la direction de Moiry, passez la ferme « les Peupliers » puis, au croisement du Marichet, s’engager sur le chemin à droite et continuer jusqu’au parking au croisement. Prendre le chemin qui descend sur 20 mètres, et prendre le sentier à droite qui part dans la foret, il mène au cromlech. Mais le sentier continue derrière la grosse pierre à cupules. Continuez le sentier sur 500 mètres pour découvrir la Pierre Pouilleuse.
A proximité :
- Le Cromlech de la Praz
- La pierre Pendue à Mont-la-Ville
- La pierre à l’Ours à la Praz
- La pierre aux écuelles à Mont-la-Ville
Sur la carte :




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