

Le 10 avril 2000, une découverte fortuite vient bouleverser la tranquillité de la gravière Cand-Landi, à Valeyres-sous-Montagny, dans le canton de Vaud (Suisse). C’est dans ce décor industriel qu’est exhumé un imposant bloc rocheux au faciès peu ordinaire. L’archéologue Christian Falquet, sollicité pour expertise, met au jour une pierre à cupules, gravée et partiellement polie, qui interroge autant par sa taille que par ses marques énigmatiques.
Ce type de trouvaille fait immédiatement écho à des pratiques cultuelles ou symboliques protohistoriques. Pourtant, les signes d’intervention anthropique ne sont pas aussi évidents qu’on pourrait le croire. Cette pierre s’ajoute ainsi au corpus encore peu étendu des mégalithes ornés du bassin lémanique et du lac de Neuchâtel.



Le bloc est constitué d’un gneiss à structure plus ou moins litée, montrant des inclusions de grès très durs — une texture qui permettrait de le classer parmi les gneiss conglomératiques. On y observe également des veines d’orthose, minéral feldspathique commun dans les roches métamorphiques.
L’ensemble présente une compacité exceptionnelle et une surface relativement polie, caractéristique d’un polissage glaciaire datant de la dernière glaciation alpine. Ce poli, naturel, est parfois confondu avec des interventions humaines, mais ici, aucune incertitude : il s’agit bien d’un façonnage géologique. Cependant, la surface n’est pas vierge : des griffures mécaniques sont visibles, traces laissées par les manœuvres d’engins de chantier.
Dans sa position actuelle, la pierre offre des proportions massives :
- Longueur : 3,12 mètres
- Largeur maximale : 1,80 mètre
- Hauteur maximale : 1,30 mètre
Le calcul de son volume (environ 4,5 m³) et une densité rocheuse estimée à 3,5 donnent un poids approximatif de 15 à 16 tonnes. Il est donc hautement improbable que ce bloc ait été transporté sur une grande distance par des moyens préhistoriques, ce qui plaide pour une origine locale de la roche.
Sa forme oblongue, légèrement bombée, est ponctuée à ses extrémités de cassures importantes. Cependant, aucune trace franche de débitage anthropique n’a pu être identifiée avec certitude, rendant complexe l’analyse de ses éventuelles modifications humaines.
Ce qui distingue cette pierre des autres blocs erratiques de la région, c’est la présence de cupules : ces petites cavités circulaires creusées dans la roche, souvent associées à des rituels ou à des systèmes de marquage anciens.
Sur cette surface, on distingue clairement une dizaine de cupules bien formées, aux dimensions comprises entre 3 et 4 cm de diamètre pour une profondeur allant de 6 à 12 mm. Les contours sont adoucis, probablement par l’action conjointe du temps et de l’érosion.
En tout, 26 cupules ont été relevées, bien que la majorité soit peu distincte. Leur répartition ne suit aucun motif géométrique ou astronomique avéré, malgré plusieurs tentatives d’analyse. On observe cependant des alignements potentiels, mais qui demeurent sans signification reconnue à ce jour. Ce flou alimente le mystère de leur fonction : repères territoriaux, marqueurs astronomiques, symboles cultuels ? Aucune hypothèse ne prévaut.
En l’absence de datation directe (aucun artefact ni charbon n’étant associé), il est difficile de l’inscrire avec certitude dans une période chrono-culturelle. Toutefois, les cupules similaires recensées ailleurs en Europe remontent souvent au Néolithique final ou à l’Âge du Bronze ancien.
Certaines hypothèses, encore marginales, proposent des lectures proto-astronomiques ou territoriales de ce type de pierre. Ces pistes mériteraient des études approfondies, notamment par analyse photogrammétrique et modélisation 3D. Mais à ce jour, la prudence reste de mise.
Bonne découverte !
Quelques photos :



















Pour s’y rendre :
Au croisement du Chemin des coteaux et du Chemin des Piccardes, 1441 Valeyres
A proximité :
- Menhir de Grandson à Grandson
- Menhir de Bonvillars à Bonvillars
- Dolmen d’Onnens
Sur la carte :



