Le château d’Ornans, niché sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Loue, raconte une histoire fascinante qui s’étend sur plus de cinq siècles d’occupations militaires, d’affrontements et de gloire. Construit au Moyen Âge, il était à l’origine un bastion défensif, protégeant la route stratégique du sel, reliant Besançon à Salins-les-Bains. Les vestiges du château se dressent encore aujourd’hui sur la commune d’Ornans, dans le département du Doubs, en région Bourgogne-Franche-Comté.
Situé à plus de 130 mètres au-dessus de la vallée, le château bénéficiait d’une situation naturellement protégée par des falaises abruptes sur trois côtés, tandis qu’un fossé rectiligne large de 15 mètres complétait la défense au nord. À l’époque de Charles le Téméraire, vers 1475, un imposant donjon de trois étages avec cinq créneaux fut ajouté, surmontant la tour emblématique qui orne désormais les armes de la ville d’Ornans. Cette structure imposante, pensée pour offrir une vue d’ensemble sur la vallée, permettait de surveiller les accès depuis la route du sel, un élément crucial de l’économie médiévale locale.
L’histoire du château débute réellement en 1237 lorsque Hugues de Chalon et son épouse, Alice de Méranie, héritent de la forteresse, qui serait même le lieu de naissance de leur fils, Othon IV. En 1295, Othon IV vend le château au comte de Bourgogne, déclenchant ainsi une guerre avec les barons comtois, dirigés par Jean de Chalon Arlay. Cette guerre conduit à la destruction du château en 1300, avant qu’un nouvel accord avec le roi de France ne permette sa reconstruction l’année suivante. Le château subit encore des modifications en 1475, lorsque Charles le Téméraire renforce ses fortifications pour faire face à la menace des Suisses
Vers 1623, le mathématicien Pierre Vernier devient capitaine du château pour le compte du roi d’Espagne. Il réalise ici ses célèbres découvertes en sciences, notamment son « Quadrant nouveau », sur lequel il travailla à partir des hauteurs du château. Ce lieu devint donc un centre de savoir, non seulement militaire mais aussi scientifique. En 1650, pour défendre la grande porte du château, une demi-lune fut ajoutée, renforçant encore sa position défensive.
Toutefois, lors de la première conquête de Louis XIV en 1668, le château capitula sans combattre. Le 5 mai 1674, le maréchal de Luxembourg le rase complètement, ne laissant que les ruines et la chapelle dédiée à Saint Georges, datant de 1289, épargnée des destructions. Aujourd’hui, il ne reste que peu de vestiges, principalement le rocher où se dressait autrefois cette forteresse. Seul le hameau qui s’est formé autour et la chapelle, toujours debout.
Voici une légende en lien avec ce lieu :
En 1115, Simon Sanathiel était l’usurier le plus riche de Besançon, un homme si prospère qu’on le disait capable d’acheter toute la Comté de Haute-Bourgogne à sa guise. On le surnommait aussi sorcier, prétendant qu’il était vendu au diable. Ce Juif habitait le quartier de la barrière Saint-Quentin. Un samedi soir, veille de la Pentecôte, après avoir prêté et négocié toute la journée, il se reposait devant sa boutique. C’est alors qu’un grand écuyer, rien d’autre que Satan en personne, s’approcha de lui avec une assurance intimidante. Après un échange bref, l’usurier et le diable entrèrent dans la boutique. Nul ne savait ce qu’ils y faisaient, mais lorsque Satan quitta la boutique après un long moment, il remit à Simon un parchemin en disant : « Dans une heure, il frappera à ta porte. Il sera vêtu d’un simple pourpoint de futaine avec un chaperon noir. »
Simon resta seul, pensif, attendant la visite annoncée. Il murmurait par intervalles : « Je ne serai peut-être pas le seul damné ! Satan a résolu d’ajouter à sa visite notre puissant comte Guillaume III. »
Lorsque le beffroi de Saint-Etienne-du-Mont se mit à tinter minuit, Simon entendit frapper à sa porte.
« Voilà, » dit-il en allant ouvrir. Un personnage vêtu d’un simple pourpoint de futaine avec un chaperon noir entra sans mot dire. – Monseigneur comte, dit Simon en lui offrant un siège. – Tu me reconnais, reprit ce dernier. Ton or me fait besoin. Remets-moi immédiatement 900 livres parisis. – J’ai effectivement pareille somme, répondit l’usurier avec hésitation ; mais cet argent m’a été confié par un écuyer pour l’abbé de Cluny. – Prends pitié de moi, dit le comte vivement, après un instant de réflexion ; et que je sois damné plutôt !… Tes écus de moine, Sanathiel. – Les voici, Monseigneur. Avant cela, veuillez apposer votre sceau à ce parchemin, lequel stipule que c’est vous qui avez détourné 900 livres parisis du trésor de l’abbaye de Cluny, et que dans un an, à pareil jour et heure (minuit), vous promettez de les restituer à la requête du prédit écuyer, lequel viendra vous quérir à cet effet. »
Le comte apposa son sceau au parchemin, prit l’or et partit.
L’abbé de Cluny, apprenant quelque temps plus tard le méfait de Guillaume, ne cessait de murmurer : « Misérable ! Il a vendu son âme au démon. Je lui prédis une fin tragique sous peu… »
L’année suivante, à la veille de la Pentecôte, Guillaume III donnait une fête somptueuse dans son château d’Ornans. Ce n’étaient que jeux, festins, danses et chansons. La nuit avançait déjà et nul ne prêtait attention au passage du temps.
Tout à coup, à minuit, la grande porte de la salle s’ouvrit en grand et un écuyer apparut sur le seuil, tenant la bride d’un cheval noir, sur lequel était assis Simon Sanathiel, l’usurier, immobile et pâle comme un spectre. – Monseigneur Comte, dit l’Ecuyer d’Enfer, car c’était lui, il y a un an, à pareil jour, à pareille heure, vous êtes venu chez ce Juif… – Eh, que me voulez-vous, sire écuyer ? – Que vous ne soyez pas foi-menti, Monseigneur ; et pour cela, voici un destrier qui vous conduira à son domicile, où nous réglerons le compte. » Sur ces mots, l’écuyer saisit le bras de Guillaume d’une telle force qu’il le fit craquer, et le jeta sur le destrier où était déjà l’usurier. Puis, s’enfourchant lui-même, il s’accroupit sur les deux damnés et disparut soudainement, ne laissant derrière lui qu’une odeur de soufre et de bitume dans la salle.
A propos de la Chapelle Saint-Georges : Construite en 1289 par Othon IV, la Chapelle Saint-Georges a été érigée pour servir de lieu de culte privé au sein du château fort. C’était une époque où les seigneurs construisaient souvent des chapelles sur leurs terres pour marquer leur pouvoir et dédier leur vie aux pratiques religieuses. Le choix de la date est également symbolique, rendant hommage au saint patron Georges, protecteur des chrétiens contre les forces du mal.
De style ogival fleuri, la chapelle se distingue par sa voûte en croisée d’ogives ornée de délicates arêtes formant des motifs géométriques. Cette technique architecturale permet de mieux répartir les charges, donnant à la structure une légèreté et une élégance qui contrastent avec la masse imposante du château environnant. Les murs épais, en pierre de taille, témoignent de la solidité requise pour résister aux assauts éventuels des envahisseurs médiévaux.
Les fenêtres sont de petites tailles, soulignant l’importance de la lumière filtrée pour la prière plutôt que pour l’éclairage. Les vitraux, bien qu’ils ne soient plus intacts aujourd’hui, représentaient autrefois des scènes de la vie de saints, illuminant les offices et servant de support didactique pour les fidèles peu lettrés de l’époque. On imagine aisément les couleurs éclatantes qui auraient inondé l’intérieur de la chapelle, ajoutant à son atmosphère mystique.
La Chapelle Saint-Georges est non seulement un lieu de culte, mais aussi un symbole de la continuité et de l’identité religieuse dans une région souvent envahie par les luttes de pouvoir. Othon IV, en fondant cette chapelle, cherchait probablement à établir une certaine légitimité de son autorité dans un contexte troublé par les conflits avec le comté de Bourgogne et le Royaume de France. C’était aussi un moyen de légitimer son pouvoir local en renforçant son rôle de protecteur spirituel et temporel.
La chapelle a traversé les siècles, épargnée lors du saccage du château par les troupes de Louis XIV en 1674.
Quelques photos :
Pour s’y rendre :
Depuis le centre ville d’Ornans, prendre la direction de Besançon. Au rond point, face à l’entreprise Alstom, prendre à droite, Rue Caborde, puis, Rue du Château, la route devient sinueuse et monte au lieu-dit, Le Château.
A proximité :
- Musée Gustave Courbet à Ornans
- Le Puits de la Brême à Scey-Maisières
- Chapelle Notre-Dame-du-Chene à Scey-Maisières
- La grotte de Plaisir Fontaine à Tarcenay-Foucherans
Sur la carte :