Nous voici dans la Creuse pour découvrir un site archéologique : La villa gallo-romaine de Maisonnières, près de la commune de Gioux, à mi-chemin entre Gentioux-Pigerolles et Felletin.
La petite route qui traverse la forêt mène directement au parking situé au lieu-dit « La Maisonnière ». Une cinquantaine de mètres suffisent pour atteindre le site. Tout est aménagé pour le confort du visiteur : panneaux pédagogique et table de pique-nique. En gros, une sortie qui se veut idéal en famille et que l’on peut compléter par une petite balade en forêt.
Ci-dessous : dessin réalisé par Cudennec montrant l’ensemble des structures de la villa de Maisonnières (hypothèse).
Le site est découvert officiellement en 1986. En réalité, il a été remarqué bien plus tôt, au siècle précèdent. C’est un féru d’histoires locales, le curé de Gioux, l’abbé Ramade qui décèle les ruines. Il écrit un ouvrage en 1867, dans lequel il collecte les légendes et les faits historiques sur le territoire de Gioux. Dans cet ouvrage, l’abbé Ramade mentionne ce lieu sous l’appellation « Château des Demoiselles de la Lune ». Voici l’extrait qui concerne le site :
MAISONNIÉRES. (Au nord du bourg, à 600 mètres. Au village de Maisonnières, qui n'existe plus, vivaient au xv' siècle les demoiselles de la Lune, remplies de charité, d'intelligence, et exerçant une assez grande influence dans la paroisse. Plusieurs papiers en mauvais état nous ont permis de voir quelques lignes qui parlaient de ces demoiselles; nous nous servirons aussi de la tradition locale dans ce que nous allons dire. Le village de Maisonnières placé entre le bourg et la Valette sur une petite élévation, était composé d'une huitaine de maisons, granges et, autres dépendances nécessaires à l'agriculture. On voit encore des ruines, des pans de murs, des carrés de jardin où croit l'herbe, qui distingue cette place des environs couverts de bruyère. La solitude règne où il y a trois cents ans régnait la vie agricole.. Pauvre terre, comme les changements y arrivent! La solitude se peuple, il est vrai, mais souvent aussi où la vie existait, le mouvement cesse, et les troupeaux viennent brouter l'herbe au lieu où fut un village et quelquefois une ville. Dominant les maisons dû village, une maison surmontée d'une tour se mirait dans le petit ruisseau qui coulait au bas de la vallée. Les demoiselles de la Lune étaient de petite noblesse ou peut-être d'une bourgeoisie ancienne, et tenaient un certain rang dans la paroisse, vivaient avec les familles ronteix, de Malval, de Cubeyne; leur charité était profonde comme leur piété. Le village de Maisonnières prospérait à l'ombre de leur bienfaisance. Elles étaient deux soeurs qui n'avaient n'avaient jamais voulu se séparer. La plus jeune, Silvane, avait trouvé souvent à se marier, mais elle n'avait jamais voulu quitter sa soeur qui s'appelait Marguerite. Marguerite était plus pieuse, si cela se pouvait, que sa soeur; elle avait Voulu prendre l'habit des épouses de Jésus-Christ, mais sur le point de le faire, le coeur lui avait tant saigné à la veille de quitter ce village chéri, cette Saison où étaient morts ses aïeux. qu'elle se jeta dans les bras de sa soeur et lui dit au milieu de ses larmes Silvane, tu as refusé pour moi tout engagement dans le monde, je ne te quitterai point ! bonne Marguerite ! Nous laissons aux coeurs sensibles l'intelligencce et l'appréciation de celte amitié sainte. Depuis ce moment, une joie douce régna à Maisonniére, les mois étaient des jours; ces moissons qui remplissaient le vallon ces prairies que traversait le ruisseau, ces bois qui couvraient la montagne entre Maisonnières et Hyvernèresse, les chants des bergers, et plus que cela, les pauvres à secourir, les pleurs à sécher, faisaient de la vie de ces deux demoiselles une vie de piété et de bonheur. Maintenant. tout est enseveli dans la terre. Dieu a enterré le castel comme sont enterrés les corps de ses maitresses dans l'église de Gioux; mais les vertus pratiquées dans cette demeure sont dans la mémoire de la postérité et récompensées par le ciel-. Un jour, une dame de Ronteix, en reconnaissance de ce que son mari, captif à l'étranger, avait été délivré par saint Léonard, fit construire dans l'église de Gioux la chapelle consacrée à ce saint. Les demoiselles de la Lune voulurent faire bâtir, en face, une pareille chapelle consacrée à la sainte Vierge. Un autel de pierre s'éleva bientôt sous une voûte semblable à celle de saint Léonard. Une vierge dorée y fut placé; il y a quelques années, on a découvert les débris de cette statue. Ces demoiselles de la Lune qui avaient les rentes de Maisonnières, de la Valette, d'Hyvernèresse, moururent et furent enterrées dans la chapelle de la sainte Vierge, par le curé de Gioux . Le village de Maisonnières, soit par des maladies épidémiques, un incendie, ou des raisons inconnues, disparus de la surface du sol, et vers l'an 1658, il n'en est plus question dans les actes des curés. Texte provenant de "Recherches sur la paroisse de Gioux" écrit par l'abbé Ramade.
Des campagnes de fouilles ont été réalisées. La première entre 1987 et 1989 puis la seconde entre 1994 et 1996. Les vestiges s’étalent sur plus de 2000 m². Les archéologues retrouvent de nombreux objets dont des fragments de céramiques à usage culinaire. Malgré la dénomination et le témoignage de l’abbé Ramade, il s’agit plutôt d’un type de ferme gauloise avec l’apparence d’une construction romaine.
Le site aurait été exploité à partir de l’an 50 Après J.-C. jusqu’au 3ième siècle. La période la plus prospère se situe au 2ième siècle. Aujourd’hui, on remarque encore la base de murs en pierre de différents bâtiments : quelques habitations (avec cuisines équipées d’un foyer, vestibules), d’un cellier, des ateliers, un four, une salle chauffée, le tout fermé dans une cour intérieur abritant également un possible autel et un puits. A l’extérieur de l’enceinte, les animaux venaient boire à l’abreuvoir. Un chemin partant de la ferme menait vers la voie romaine de la Pouge. A l’intérieur et autour existait un réseau de canalisation d’eau alimenté par deux sources située à l’Ouest du site. A l’Est de l’enceinte, les archéologues ont découvert les vestiges d’un atelier de métallurgie.
La ferme est alors abandonnée après le 3ième siècle, puis de nouveaux habitants s’installent vers le 10ième siècle et restent jusqu’à une période inconnue. Peut être qu’un jour, la science (ou une nouvelle découverte) démontrera que l’abbé Ramade était sur la bonne voie avec cette histoire de château des Dames de la Lune.
Remerciement à l’association Gioux patrimoine, la mairie de Gioux, le conseil général de la Creuse, et le parc naturel régional de Millevaches en Limousin.
Le site archéologique de Maisonnières est inscrit aux Monuments Historique depuis 1991. La visite est libre et gratuite toute l’année.
Quelques photos :
Pour s’y rendre :
Depuis Felletin, prendre la départementale 992, passer Saint-Quentin-la-Chabanne, continuer sur la D992 jusqu’au lieu-dit « Sous-les-Fougères », puis tourner à gauche, passer la Valette, traverser la forêt sur 800 mètres afin d’atteindre le parking du site archéologique.
A proximité :
- Le pont de Sénoueix à Gentioux-Pigerolles
- La chapelle du Rat à Peyrelevade
- Pierre Fitte à Saint-Quentin-la-Chabanne
- Le pont Roby : pont médiéval à Felletin
- La Cabane de César : dolmen à Felletin
- La lanterne des morts de Felletin
- La chapelle Blanche et la chapelle Bleue à Felletin
Sur la carte :